Assemblée générale du 26 juin 2020

Le conseil d'administration élu est composé de Camille BERTRAND, Laure BOISSERIE-LACROIX (présidente), Damiano CERASUOLO, Sixtine DE LAFFOREST (représentante des internes, membre de droit), Frédéric DUGUÉ (secrétaire), Laure-Marine HOUËL (trésorière), Camille LÉANDRE, Nadia OUBAYA, Clara PIFFARETTI.

Origines de l’internat de Santé Publique

Bruna ALVES DE REZENDE – secrétaire générale de l’AISP

La spécialité « santé publique et médecine sociale » est en France une spécialité médicale à part entière. S’intéresser à son origine implique ainsi de revenir à sa création en tant que filière universitaire et à sa reconnaissance par l’Etat en tant que discipline médicale1.

Peu de sources retracent ces origines de manière objective. L’auteure de ce texte a fait appel à plusieurs personnes 2 ayant contribué à la création de la spécialité pour en restituer le contexte et le déroulement. Ce récit comporte de ce fait une dose d’interprétation et d’inexactitude parmi les éléments d’information qu’il apporte.

Origine de la discipline universitaire de santé publique

La discipline universitaire de santé publique prend son origine dans 3 courants « classiques » de la discipline : l’hygiène, la santé communautaire et l’épidémiologie. Pour mes interlocuteurs universitaires, la discipline doit sa naissance à l’essor de la santé communautaire et son autonomisation par rapport au courant hygiéniste en France, qui aurait permis à un groupe d’universitaires Français de prendre contact avec les cadres conceptuels et les modèles de formation en santé publique des pays anglo-saxons et scandinaves. Ces nouveaux cadres donnaient toute leur place aux sciences « dures » comme la biostatistique et l’épidémiologie. C’est alors que surgit l’idée de créer en France des formations comparables aux « masters of public health » anglo-saxons, à légitimité médicale assurée par une formation spécialisée de 3e cycle, qui en incarnerait l’excellence et la transversalité 3.

Ce projet aurait été à l’origine du rapprochement entre praticiens de santé publique « de terrain » et chercheurs INSERM (médecins et non-médecins), capables d’assurer un haut niveau de compétence dans ces nouveaux domaines encore peu accessibles à des praticiens de santé publique issus de la clinique. Cette démarche innovante était de fait inévitable : cette ouverture coïncide avec le développement de la recherche méthodologique en expérimentation clinique à l’échelon mondial. Les nouveaux standards internationaux de publication, sans oublier le développement des systèmes d’information en médecine, ont certainement joué un rôle important, quoique progressif, dans ce rapprochement.

La spécialité médicale de santé publique

Il ne restait plus qu’à constituer un lobbying suffisamment puissant auprès des décideurs politiques : l’aboutissement de ce rapprochement dépendait en effet de la reconnaissance de la discipline en tant que spécialité médicale. Ceci a pu être fait lors de la réforme du 3e cycle des études médicales de 1982. La santé publique, qui devient une spécialité médicale et une filière d’internat à cette occasion, n’avait auparavant pour elle qu’un CES comme formation qualifiante.

Les principaux interlocuteurs au gouvernement étaient, d’après mes interlocuteurs, Alain SAVARY, alors ministre de l’Éducation et son conseiller Maxime SELIGMANN, médecin. Pour ceux-ci, l’enjeu derrière la création de la spécialité était politique : créer une catégorie de médecins spécialistes pour doter la France d’une « véritable » politique de santé publique. Cet enjeu n’était pas partagé par tous : les compétences attendues du médecin spécialiste étaient peu lisibles pour la majorité de gauche ; elles ont rencontré une vive opposition des parlementaires de droite, qui arguait parfois l’atteinte à la déontologie médicale.

Forte de l’appui du gouvernement et malgré l’opposition globale à la réforme manifestée par les étudiants en médecine, la filière a pu voir le jour suite à l’adoption du projet de loi présenté par Alain SAVARY et Jack RALITE, alors ministre de la Santé ».

Développements ultérieurs

Plusieurs réformes du 3e cycle de médecine se sont succédées depuis la création du DES SP. La plus importante pour la santé publique a eu lieu en 1988, avec la réintégration de la filière dans les spécialités médicales et une conséquente une baisse du recrutement et du nombre de médecins diplômés au début des années 1990.

La filière a été rétablie en 1990 avec d’importants aménagements : absorption du DES « Recherche clinique », individualisation du DES « médecine du travail » en une filière à part et un nom qui affirmait l’importance d’une pratique en voie de disparition dans notre pays : « santé publique et médecine sociale ». La multidisciplinarité et l’exercice de fonctions de santé publique par des non spécialistes réduisent la visibilité des apports réels et potentiels de ceux ayant suivi la voie de formation longue : le DES SP s’est vu menacé à d’autres occasions.

En 2005-2006, la Commission nationale des études médicales (CNEM), a recommandé la diminution du nombre de postes ouverts suite au concours de l’internat 60 à 10 par an. Une vive réaction d’internes et enseignants (y compris d’autres spécialités médicales) a permis de l’éviter (31). En 2007-2008, une diminution absolue de 15% du nombre de postes atteignant uniquement des filières à faible recrutement a été imposée. Une nouvelle fois internes, enseignants et spécialistes non universitaires de la discipline ont pu obtenir le rétablissement du nombre de postes l’année suivante (33).

Finalement, le nombre de postes est resté stable depuis 2009-2010, à 80 par an et devrait rester ainsi jusqu’en 2014-2015. Sous cette apparente stabilité, se cache de fait une diminution relative de 12,4%. Dans la même période, l’effectif total de nouveaux internes s’accroît de 14,17% (de 8849 en 2010-2011 à 10103 en 2014-2015).

A ces risques récurrents, s’associe une difficulté de recrutement toujours réelle, très probablement liée à la faible visibilité de la spécialité et due à son éclatement. C’est précisément ce type d’écueil que l’AISP veut contrer, en contribuant à la construction d’une identité professionnelle des médecins de santé publique.


[1]Adapté de : Alves de Rezende B. La formation des internes de santé publique en France : offre et satisfaction [Thèse d’exercice : Médecine : Santé Publique]. [France]: Université de Bordeaux II; 2010.
[2]Mes remerciements à : Docteur Paolo BERCELLI, Docteur Yann BLANCHARD, Professeur Marc BRODIN, Professeur Marcel GOLDBERG, Docteur Cédric GROUCHKA, Docteur Louis LEBRUN.
[3]Brodin M, Gottot S, Lucioli E. Quelques points de repère pour l'aménagement de la formation des médecins en santé publique. La Revue d'Education Médicale. 1984 Fév;7(2):38-45.

Nous contacter

Par mail : contact[at]ancien-interne-santepub.fr